CES 2020 : Des batteries compostables pour les futurs véhicules électriques Andreas Hintennach, responsable des batteries de véhicules électriques chez Daimler, nous a entretenus à propos des systèmes de piles du futur

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Auto123 s’entretient au CES de Las Vegas avec Andreas Hintennach, le responsable des batteries de véhicules électriques chez Mercedes-Benz

Las Vegas, Nevada — Les batteries lithium-ion dominent le marché et poursuivront en ce sens pour encore quelques années selon le responsable de ce département chez Daimler, Andreas Hintennach, avec qui Auto123 s’est entretenu au CES de Las Vegas cette semaine. « Il est encore possible d’améliorer l’autonomie de 20 % avec la présente technologie des batteries lithium-ion en améliorant la composition chimique », affirme M. Hintennach, docteur en électrochimie qui travaille à raffiner les performances et l’efficacité des batteries chez Mercedes-Benz depuis 2011.

Il faut travailler selon lui sur la densité énergétique et une recharge plus rapide pour tirer avantage de la technologie actuelle. M. Hintennach souligne toutefois qu’il faut améliorer les méthodes d’extraction des minéraux comme le lithium qui demande en ce moment une très grande pureté pour être utilisé dans les batteries.

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Photo : Mercedes-Benz

Beaucoup de fabricants travaillent à adapter des batteries qui peuvent accepter un lithium 0,5 % moins pur, ce qui diminue de 80 % la quantité d’eau utilisée. Il faut appliquer les mêmes méthodes pour le cobalt et le nickel qui sont les autres composantes de la pile actuelle.

Passer au soufre
Dans un avenir pas trop lointain, il faut envisager l’utilisation du soufre, une solution qui est hautement recyclable (85 %) et qui réduit aussi de 50 % le poids. Elle coûte 40 % moins cher que les composantes comme le nickel et le cobalt.

Plus respectueux de l’environnement, le soufre représente toutefois un changement fondamental de la chimie de la batterie qui demande des années de recherche, ce qui explique son absence sur le marché en ce moment. Il faudra encore quelques années avant de voir les premières applications automobiles.

À retenir aussi : sans nickel et cobalt, la recharge sera un peu plus lente, mais l’autonomie plus longue.

Photo : Mercedes-Benz
Prototype Mercedes-Benz EQS

Remplacer le lithium par le magnésium
Contrairement à ce que bien des gens pensent, il n’y a pas de rareté de lithium. Il faut simplement raffiner les méthodes d’extraction et s’assurer que tout le matériel des piles actuellement sur le marché est recyclable.

Pour le moment 95 % des composantes des piles lithium-ion sont recyclables, mais comme nous approchons des limites de ce genre de piles, il faut se tourner vers l’avenir et les piles au magnésium offrent une solution intéressante. Le magnésium est à l’étude en ce moment, tout comme les piles solides.

Les chercheurs savent que le magnésium a fait ses preuves et offre aux batteries plus d’efficacité et de stabilité. Le hic, c’est qu’il existe peu de matériaux électrolytiques connus compatibles avec le magnésium. Il faut comprendre dans cette affirmation qu’il est difficile de faire migrer les électrons des anodes aux cathodes. Les recherches sont en cours, mais selon Andreas Hintennach, il faudra encore une quinzaine d’années avant de voir des développements significatifs dans ce domaine.

Photo : Mercedes-Benz
Prototype Mercedes-Benz EQV

Batteries solides prometteuses
Une technologie qui est déjà prête pour la commercialisation dans certains domaines comme les produits électroniques est la pile à électrolytes solides. Hydro-Québec est d’ailleurs une des compagnies parmi les plus avancés dans le développement de cette technologie et possède plusieurs brevets dans le but d’une commercialisation d’une pile solide pour les véhicules électriques.

Il faudra, selon Andreas Hintennach, attendre encore quelques années avant de voir une commercialisation de cette pile solide qui promet une très grande autonomie, mais demande encore du travail de recherche. Ayant une interphase solide solide entre les matériaux électroactifs et l’électrolyte, les mécanismes chimiques changent de manière significative en chimie du solide plutôt qu’en chimie des interphases solides organiques. Ces matériaux réagissent différemment selon le climat. La compréhension de ces mécanismes est essentielle pour améliorer encore la durée de vie, l’efficacité, et donc la durabilité de tout type de stockage et de conversion d’énergie, mais en particulier des batteries.

Batteries organiques
Si nous poussons la réflexion plus loin dans le futur, il faut considérer la batterie organique comme étant le Saint Graal. Cette technologie déjà à l’étude ne verra pas d’applications pratiques dans un futur proche, selon Andreas Hintennach. Il faudra attendre environ 25 ans.

Photo : Mercedes-Benz

La technologie révolutionnaire est basée sur la chimie des cellules organiques à base de graphène et des sels de mer qui sont les résidus de la désaliénation de l’eau. Elle élimine ainsi complètement les terres rares, toxiques et coûteuses telles que les métaux. L’« électromobilité » devient ainsi indépendante des ressources fossiles. Assez incroyable lorsqu’on y pense…

Une révolution absolue se situe également au niveau de la recyclabilité par compostage — et les matériaux seront 100 % recyclable. Le graphène qui sera utilisé d’ici peu dans des téléphones cellulaires est déjà à l’étude pour des véhicules électriques. Ce matériel qui est un million de fois plus mince qu’une feuille de papier est réputé pour sa grande conductivité électrique. Les électrons s’y déplacent en effet jusqu’à 150 fois plus vite que dans le silicium, ce qui permet de réduire le temps de recharge.

Une batterie au graphène avec une autonomie de 700 km comme celle qui serait utilisée dans la Mercedes Benz Vision AVTR peut théoriquement se recharger complètement en 10 minutes sur une borne de recharge rapide.

Photo : Mercedes-Benz
Prototype Mercedes-Benz AVTR

Le graphène ne change rien au fonctionnement traditionnel d’une batterie qui repose sur un accumulateur électrique à deux électrodes : une négative (anode) et l’autre positive (la cathode). Le flux des ions passe toujours par une solution électrolyte dans une direction ou dans l’autre, selon que la batterie se charge ou se décharge.

La principale différence entre les batteries à base de graphène et une batterie lithium-ion réside dans la composition des deux électrodes. Dans une batterie au graphène, les électrodes sont composées de matière recyclable et compostable. On élimine ici l’utilisation de métaux et de terres rares. Une fois la pile arrivée à la fin de sa vie, elle est compostable, donc l’empreinte écologique est nulle.

Voici probablement ce qu’il y a de plus remarquable concernant l’ère remarquable dans laquelle nous vivons aujourd’hui dans le domaine de l’automobile ; aussi excitante que soit l’époque actuelle, elle promet d’être encore plus spectaculaire dans 10 ou 20 ans.

Photo : Mercedes-Benz
Prototype Mercedes-Benz AVTR