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Bob Lutz et la pensée magique du Congrès américain

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Luc Gagné
Detroit -- À l'occasion des journées d'avant-première du Salon de l'auto de Detroit 2009 réservées aux médias, GM a convié un petit groupe de journalistes de la presse automobile canadienne à une rencontre avec le vice-président Planification globale des produits, Bob Lutz.

Durant une demi-heure, ce vieux routier de l'industrie, qui a tour à tour oeuvré pour Ford, Chrysler et, depuis 2001, GM, a partagé ses opinions sur plusieurs sujets, entre autres, ce qu'on pourrait qualifier de pensée magique qu'ont les membres du Congrès face à l'intérêt réel des consommateurs américains pour les véhicules hybrides et les technologies permettant d'économiser du carburant.

Voici un extrait de ses commentaires.

Journaliste : Les consommateurs veulent-ils vraiment des véhicules hybrides ou ces autres véhicules qui consomment moins de carburant ?

Bob Lutz : On m'a souvent posé la question. Disons que le pire scénario que nous puissions imaginer, pour répondre à cette question, serait que nous nous mettions à produire ces véhicules « verts » (Volt et autres) qui sont plus coûteux, et au moment de les lancer, que le prix du carburant redescende à 1,50 $ le gallon (américain). Le problème, c'est ça.


Il est beaucoup plus facile de planifier (le développement de véhicules) en Europe, où le prix du carburant varie entre 6 et 9 $ le gallon - une fluctuation entre la douleur et la souffrance ! Les Européens ne voient aucun inconvénient à débourser l'équivalent de 35 000 $ US pour une VW Golf, une Opel Astra ou une Ford Focus. Par contre, aux États-Unis, pour réussir à vendre ces voitures, il faut qu'elles coûtent entre 14 000 et 14 500 $. Les Européens, eux, choisissent leur auto sur la base du budget qu'ils s'attribuent pour le carburant.

Les Américains choisissent le véhicule qu'ils vont acheter sur... en fait, ils ne font pas tous les calculs, ils font un jugement de valeur : ils choisissent le plus gros véhicule que leur budget pour le carburant leur permet. Voilà la nuance qui rend notre travail plus compliqué. Ici, nous n'avons pas d'assises solides pour faire notre analyse.

Par contre, il y a un facteur incontournable. Notre gouvernement va voter des lois pour nous obliger à produire des véhicules de moins en moins énergivores. Cependant, rien ne nous dit que les consommateurs vont les acheter, car ils vont coûter plus cher que les véhicules traditionnels qui utilisent une technologie plus simple; ceux-là même que l'industrie a produit depuis longtemps et qui plaisent aux consommateurs.

Journaliste : Le gouvernement (américain) comprend-il que, à moins qu'il y ait une réelle demande, vous ne puissiez obliger les consommateurs à les acheter ?

Bob Lutz : Il existe un mythe selon lequel l'industrie peut tout faire et gratuitement. Une communauté de scientifiques a affirmé cela au Congrès américain en disant : « Ne croyez pas les affirmations de l'industrie; que ça va coûter un tas d'argent ! Ils (l'industrie) disent cela simplement parce qu'ils ne veulent pas le faire ! Mais si vous (le gouvernement) votez une loi, ils trouveront le moyen de le faire, et l'auto coûtera peut-être 100 ou 200 $ de plus. » Ne croyez surtout pas ces balivernes, elle va plutôt coûter des milliers et des milliers de dollars de plus.

Le problème est là. Voilà pourquoi il faut inclure l'acheteur dans cette équation. Après tout, il faut qu'il la désire, cette auto verte.
Luc Gagné
Luc Gagné
Expert automobile
  • Plus de 30 ans d'expérience en tant que journaliste automobile
  • Plus de 59 essais réalisés au cours de la dernière année
  • Participation à plus de 150 lancements de nouveaux véhicules en carrière en présence des spécialistes techniques de la marque